Quel monde étrange. J'étais assise dans mon bureau à regarder les lettres inscrites sur le papier. Comme si cette fois-ci les propos nébuleux d'une chanson entendue par toute l'humanité allait soudainement devenir limpide en relisant ces mots que je pouvais citer par coeur. Étaient-ce vraiment ces mots que je regardais, ou bien contemplais-je encore mes doigts plus fins posés sur des mains plus petites ?
Dr Sakaki, quelque chose a changé chez vous, une nouvelle coupe de cheveux. Cache l'arbre au milieu de la forêt. Oui j'ai bien un truc de changé, un millier de trucs changés. Et pourtant je reste la même. Vous m'appeliez Madame avant de m'appeler Docteur. Comme Shakespeare l'a dit autre fois, it's a brave new world. Et je redécouvre mon univers avec de nouveaux yeux. De nouvelles sensations me parcourent. Mais... mais... mais ce n'est pas l'exquise félicité à laquelle j'aspirais. Je ne prétends pas ne pas aimer le cadeau qui m'a été fait. D'enfin sentir que tout est à sa place comme il aurait toujours dû l’être. Mais le prisonnier que l'on sort du cachot pour le rendre aux siens sentira toujours la morsure du fer et le poids de ses chaînes, même dans le plus somptueux des palais. Je devrai être heureuse et pourtant...
Je faisais donc ce que j'avais toujours fait. Je me plongeais avec un abandon non retenu dans mon travail à l'intérieur de l'univers ordonné au millimètre près qu'était mon bureau. L'odeur de l'acajou, la douceur du cuir, le parfum des fleurs que j'avais arrosé encore ce matin. Les souvenirs rapportés de mes différents voyages, disposés méthodiquement dans leurs étagères par ordre alphabétique alignés sur une ligne invisible. Les deux tikis posés de part et d'autre de mon bureau ainsi que le miroir posé à côté de mon ordinateur portable. Devant moi, il y avait mon organiseur avec les articles que j'avais tiré des archives. Il faudra ré-photocopier la transcription! Elle commence à être froissée. C'était mon univers, mon cocon de sécurité, chaque chose était là où je le voulais, et cela me procurait un sentiment de réconfort. J'examinais mon visage dans le miroir. Là aussi c'était devenu beaucoup plus compliqué. Je m'étais habituée à plus de maquillage qu'il ne m'était maintenant nécessaire, j'avais cette impression que celui-là était déjà parti et me remettrait face au mensonge que je ne voulais, ne saurais plus voir.
Je savais cette crainte infondée mais il n'y avait que mon visage qui était reflété dans la surface vitrée. Mes lèvres manquaient de rouge. Je sortais un pinceau de mon sac à main gucci et appliquais le rouge sur ma lèvre inférieure avant de les plisser pour répandre l'incarnat que j'avais choisi. Puis une touche ici, une là. Une dernière inspection générale et je rangeais mon pinceau en poussant un soupir de soulagement.
Bien je pouvais maintenant travailler. Cette poésie avait comme thème le passage de l'âge enfant à l'âge adulte et il y avait quatre grands thèmes. Dans la mythologie on parlait d'âge d'or, d'âge de bronze et d'âge de fer. Mais ici il s'agissait d'une dégénérescence du monde mais comme dans le poème les humains perdaient peu à peu leur innocence. Alors si on quittait l'âge de fer, on entrait dans quoi, l'âge du bois? Un truc plus écolo, c'était peut-être pas si bête en fait parce que...
Raaaing
Et voilà j'ai perdu le fil, je répondais donc à l'intercom.
-Oui?
-Docteur, le professeur Suüøniemison souhaite vous voir.
Je rangeais mes dossiers et les mettais dans mon tiroir que je fermais à clef. On ne cachait rien à un ancien mais c'était un réflexe qu'on m'avait fait entrer de force dans la tête. Même ici, les fuites étaient un risque réel.
-Faites-le entrer... oh et apportez nous du thé et des biscuits vous serez vraiment adorable!
Je quittais ma chaise et rangeais celle-ci contre le bureau. Nous n'aurons pas besoin du bureau. Le fauteuil avec les coussins brodés et la table basse dans le coin de la pièce étaient l'endroit idéal pour renouer avec mon ancien mentor. En face se trouvait une large baie vitrée qui permettait de voir Toulouse. On frappa à la porte. J'ouvris.
-Bonjour professeur!
Je prenais le vieil homme dans mes bras et embrassais chacune de ses joues deux fois. Puis me reculais pour l'observer.
-Vous n'avez pas changé d'un pouce! Mais je vous en prie! Entrez!
Dr Sakaki, quelque chose a changé chez vous, une nouvelle coupe de cheveux. Cache l'arbre au milieu de la forêt. Oui j'ai bien un truc de changé, un millier de trucs changés. Et pourtant je reste la même. Vous m'appeliez Madame avant de m'appeler Docteur. Comme Shakespeare l'a dit autre fois, it's a brave new world. Et je redécouvre mon univers avec de nouveaux yeux. De nouvelles sensations me parcourent. Mais... mais... mais ce n'est pas l'exquise félicité à laquelle j'aspirais. Je ne prétends pas ne pas aimer le cadeau qui m'a été fait. D'enfin sentir que tout est à sa place comme il aurait toujours dû l’être. Mais le prisonnier que l'on sort du cachot pour le rendre aux siens sentira toujours la morsure du fer et le poids de ses chaînes, même dans le plus somptueux des palais. Je devrai être heureuse et pourtant...
Je faisais donc ce que j'avais toujours fait. Je me plongeais avec un abandon non retenu dans mon travail à l'intérieur de l'univers ordonné au millimètre près qu'était mon bureau. L'odeur de l'acajou, la douceur du cuir, le parfum des fleurs que j'avais arrosé encore ce matin. Les souvenirs rapportés de mes différents voyages, disposés méthodiquement dans leurs étagères par ordre alphabétique alignés sur une ligne invisible. Les deux tikis posés de part et d'autre de mon bureau ainsi que le miroir posé à côté de mon ordinateur portable. Devant moi, il y avait mon organiseur avec les articles que j'avais tiré des archives. Il faudra ré-photocopier la transcription! Elle commence à être froissée. C'était mon univers, mon cocon de sécurité, chaque chose était là où je le voulais, et cela me procurait un sentiment de réconfort. J'examinais mon visage dans le miroir. Là aussi c'était devenu beaucoup plus compliqué. Je m'étais habituée à plus de maquillage qu'il ne m'était maintenant nécessaire, j'avais cette impression que celui-là était déjà parti et me remettrait face au mensonge que je ne voulais, ne saurais plus voir.
Je savais cette crainte infondée mais il n'y avait que mon visage qui était reflété dans la surface vitrée. Mes lèvres manquaient de rouge. Je sortais un pinceau de mon sac à main gucci et appliquais le rouge sur ma lèvre inférieure avant de les plisser pour répandre l'incarnat que j'avais choisi. Puis une touche ici, une là. Une dernière inspection générale et je rangeais mon pinceau en poussant un soupir de soulagement.
Bien je pouvais maintenant travailler. Cette poésie avait comme thème le passage de l'âge enfant à l'âge adulte et il y avait quatre grands thèmes. Dans la mythologie on parlait d'âge d'or, d'âge de bronze et d'âge de fer. Mais ici il s'agissait d'une dégénérescence du monde mais comme dans le poème les humains perdaient peu à peu leur innocence. Alors si on quittait l'âge de fer, on entrait dans quoi, l'âge du bois? Un truc plus écolo, c'était peut-être pas si bête en fait parce que...
Raaaing
Et voilà j'ai perdu le fil, je répondais donc à l'intercom.
-Oui?
-Docteur, le professeur Suüøniemison souhaite vous voir.
Je rangeais mes dossiers et les mettais dans mon tiroir que je fermais à clef. On ne cachait rien à un ancien mais c'était un réflexe qu'on m'avait fait entrer de force dans la tête. Même ici, les fuites étaient un risque réel.
-Faites-le entrer... oh et apportez nous du thé et des biscuits vous serez vraiment adorable!
Je quittais ma chaise et rangeais celle-ci contre le bureau. Nous n'aurons pas besoin du bureau. Le fauteuil avec les coussins brodés et la table basse dans le coin de la pièce étaient l'endroit idéal pour renouer avec mon ancien mentor. En face se trouvait une large baie vitrée qui permettait de voir Toulouse. On frappa à la porte. J'ouvris.
-Bonjour professeur!
Je prenais le vieil homme dans mes bras et embrassais chacune de ses joues deux fois. Puis me reculais pour l'observer.
-Vous n'avez pas changé d'un pouce! Mais je vous en prie! Entrez!