« Ma'. Miki-nii a fermé sa porte. »

Suna Miura offrit à sa fille le sourire le plus tendre qu'il était humainement possible d'arborer. Le plus tendre mais également le plus faux. Ses yeux étaient enflés d'avoir trop pleuré, soulignés de cernes qu'elle avait plus ou moins tenté de cacher à l'aide d'un peu de lait frais et de maquillage mais, si sa fille tombait aisément dans le panneau, Miki, lui, ne se laisserait probablement pas aussi facilement berner. Et il détestait toutes les fois où elle mentait.

« Je vais aller le voir et je t'appellerai quand tu pourras venir, d'accord ? »
« Mais je veux venir avec toi. »
« C'est un problème de garçon, tu ne peux pas venir, ma chérie. »
« Mais tu es une fille. »

Suna sentit son cœur se tordre violemment dans sa poitrine.

« Oui. Mais je suis aussi votre maman et... puisque ton papa n'est plus là... c'est à moi de le faire. »

La petite ne parut pas convaincue mais la tendresse dans les yeux de sa mère acheva de la pousser à s'éloigner et, quelques secondes plus tard, les voix de Satoshi et Pikachu résonnaient contre les murs du salon alors même que Suna le quittait.

« Miki ? Tu m'ouvres la porte ? »

Silence. Auquel elle s'attendait et qu'elle accepta sans le moindre mal.

« Trésor... Je sais que tu es blessé mais si tu ne me laisses pas entrer, comment est-ce que je peux t'aider ? »

Le bruit des pas de son fils sur le parquet répondirent à sa question et elle s'accroupit dès l'instant même où la poignée bougea, sous ses yeux. Miki s'écrasa contre sa poitrine l'instant d'après, sa petite tête blonde blottie contre l'épaule de sa mère.

« Qu'est-ce que tu as, mon amour ? »
« Où est papa ? »

La question rouvrit une plaie encore bien trop jeune dans le cœur de la jeune maman et elle ferma les yeux, quelques secondes pour oublier la douleur qui tordait sa poitrine.

« Tu le sais, n'est-ce pas ? »
« … Il a dit qu'il ne t'aimait plus. »
« … Oui, mais tu sais... je ne peux pas lui en vouloir pour ça, ce sont des choses qui arrivent et--. »
« C'est méchant, mais moi je t'aime encore alors je reste. »
« Je sais Miki, je t'aime moi aussi. »
« Non. Je ne dis pas que je t'aime juste parce que tu es triste. Je le dis parce que je ne veux plus jamais voir Papa, et parce que moi je ne partirai pas avec lui. »
« Même s'il te le demande ? »

Miki releva la tête, ses sourcils froncés au-dessus de ses deux immenses yeux bleus eux-mêmes brillants d'une frustration qu'elle sentait jusque dans ses petits poings serrés contre son pull.

« Il t'a rendue triste et il est parti après. S'il me demande de venir avec lui je lui dirai que je le déteste et je partirai aussi. »
« Miki... Je ne veux pas que tu le détestes. Ce sont des choses qui arrivent entre adultes et... il reste ton papa. »
« Mais moi je veux le détester. »

Pas uniquement pour elle. Ni même pour Ichigo. Peut-être simplement pour oublier qu'il avait un peu trop mal, à chaque fois qu'il l'entendait. À chaque fois qu'il entendait précisément son père quitter sa mère, alors qu'il s'apprêtait à descendre les escaliers. À chaque fois que tout se rejouait dans sa tête depuis un peu plus d'une semaine désormais. Il était sûrement trop jeune pour comprendre, trop jeune pour l'exprimer, trop jeune pour savoir comment le formuler. Mais le fait était que son père l'avait abandonné et qu'il ne pouvait que le détester.

« Avant que les lumières ne s'éteignent, j'ai un message à transmettre. »

Un murmure curieux s'éleva à travers la foule face à lui, porteurs de toute la surprise que constituait le simple fait qu'une soudaine photo d'Hana Mistwalker ne s'affiche soudainement sur l'écran derrière lui.

« Vous connaissez tous cette femme. Certains la détestent, dont mes fans et je vous demanderai de la laisser en paix même si elle s'en fiche, d'autres l'aiment et je vous en remercie. Autant que je vous remercie de me souhaiter tout le bonheur du monde. Un bonheur que j'ai même envie de mener plus loin, à partir d'aujourd'hui. Nous arrivons à la fin de ma tournée et j'avais envie d'attendre que ce soit fait pour poser la question qui me travaille depuis... Très longtemps, maintenant. »

Sa voix se mit à trembler, légèrement. Pour la première fois depuis longtemps, Miki Miura était immensément nerveux... et stressé.

« Hana. Je sais que tu es là. Je sais même à quelle place tu es exactement mais je t'avouerai que je peux seulement regarder dans ta direction sans te voir parce que les lumières me démolissent les yeux comme jamais. Mais ça ne change rien au fait que tu es la seule que je veux regarder. Et que je continuerai à regarder. Tu es mon évidence et... Je t'aime alors... Ici, maintenant, et devant le Japon tout entier... Est-ce que tu me permettras d'amener cet amour encore plus loin en faisant de toi ma femme ? Est-ce que, Hana Anna Mistwalker... tu acceptes bien de m'épouser ? Je ne te demanderai pas de monter sur scène pour me répondre mais... Je te retrouverai en coulisses. Et je t'aime. Je t'aime que ce soit oui ou que ce soit non.»

Les cris du public s'élevèrent dans le Tokyo Dôme alors même que les lumières s'éteignaient sur la scène. Assourdissantes mais néanmoins cruellement apaisantes. Difficile de mettre plus d'anxiété dans le sourire et le regard de Miki et, s'il savait pertinemment que les médias avaient un avis très arrêté sur sa personnalité, Hana, elle, aurait sûrement compris qu'il était honteusement stressé. « Trop sûr de lui et prétentieux. » « Arrogant et vaniteux. » Est-ce qu'ils mentaient ? Pas le moins du monde. Son ascension avait été fulgurante et, depuis ses vingt ans, Miki jouissait d'une popularité qui n'avait de cesse de grimper avec le nombre de ventes de tous ses albums. Il était passé de petite étoile nationale à célébrité aimée de la France et de l'Amérique et, s'il s'était tout d'abord donné à la musique et à la danse, il s'était vite plu à retrouver le mannequinat et les tournages dans ses emplois du temps. Inutile de préciser, donc, qu'il était tout particulièrement et éhontément fier de lui. En façade, tout du moins. À l'heure actuelle, il était mortifié. Le grand Miki Miura, fier de son auto-suffisance et sa popularité, sentait ses mains tremblait à l'idée seule de ce qu'il venait de faire.

« Tu es sérieuuuuux ?!!! »

Son regard se glissa sur sa meilleure amie, à sa droite, et il soupira lorsqu'il fut confronté au regard excité de Liv.

« Oui. »
« Et tu ne m'as rien dit ?! »
« Je n'avais pas prévu de le faire maintenant. »
« Tu l'as demandée en mariage sur un coup de tête en gr-- Miki tu m'écoutes ? »
« … Non. »

Il ne lui avait fallu qu'un coup d'oeil échappé pour que son attention n'abandonne Liv. À peine quelques secondes pour que toute sa personne soit accaparée par la chevelure de feu qui se dessinait sous ses yeux. Toujours aussi magnifique. Et désespérément sexy. L'assurance qui découlait d'elle l'avait frappé la première fois. Et continuait à le frapper à chaque autre fois. Il l'aimait, c'était presque évident. Il l'aimait même tellement qu'il avait l'impression de retomber amoureux simplement lorsqu'il la touchait.

« Hana. »

Sa familiarité fit s'élever un léger murmure à sa droite et il s'échappa du personnel des coulisses à l'aide d'un bref mouvement d'épaules afin de rejoindre son invitée. Et sa petite amie.

« J'en ai peut-être un peu trop fait. Un tout petit trop. »

Le sourire arrogant sur ses lèvres démontrait ostensiblement qu'il s'en fichait, au fond. Désespérément. Quel mal y avait-il à faire sa demande devant tout le Japon et éventuellement toute l'Amérique et la France, lorsque ses concerts seraient diffusés ?

« Mais j'étais sérieux. »

On ne peut plus sérieux, même. Il avait voulu l'épouser dès l'instant même où il l'avait embrassée. Il l'aimait comme il n'avait jamais aimé personne et avait bien la ferme intention de continuer, quoiqu'il advienne. Pour la toute simple et bonne raison qu'elle était son évidence, et qu'il chérissait le simple fait de sentir son cœur s'accélérer uniquement lorsqu'il la regardait. Il n'avait jamais été plus heureux que depuis qu'il avait commencé à l'aimer.

« Je veux vraiment t'épouser. »

Hana Mistwalker était mariée mais elle avait choisi de garder son nom de jeune fille. Et non seulement la demande en mariage de Miki avait réveillé une horde de paparazzis, la cérémonie de mariage, intimiste, ainsi que le choix de Hana avaient fait pleuvoir des articles, si bien qu'elle dût accepter une conférence de presse - en direct, toujours - sur son dernier rôle en titre ainsi que ses derniers shootings, qui avaient fait un tabac. Une conférence de presse que même son mari, à l'instant même, visionnait.

- Je vois, donc ce rôle de femme mariée vous tient à coeur... mais pourtant, vous avez vous-même choisi de garder votre nom de jeune fille. C'est assez surprenant, vu ce que vous venez de soutenir.
- Aussi surprenant que la tournure de cette conférence de presse et ce que vous soutenez., avait-elle rétorqué, tout sourire, sans se démonter.

Et brusquement, la conférence de presse avait pris un tout autre tournant, que Hana arrivait tant bien que mal à juguler... jusqu'à la question de son mariage. De pourquoi les journalistes n'y avaient pas été autorisés. Elle avait simplement haussé les sourcils, un sourire en coin, sans rien répondre toutefois vu que Miki s'avançait sur le plateau avec une désinvolture et une attitude que tous lui connaissait.

- Salut chérie !, dit-il en s'asseyant à ses côtés, avant de se tourner vers les interviewers. Je peux savoir pourquoi vous questionner ma femme sur notre mariage au lieu de vous en tenir au sujet même de cette conférence de presse ?